Une petite expérience cette année m’a fait, à nouveau, sentir à quel point notre société française n’est pas féministe. Attention, c’est le moment de vous équiper en pop-corn :

La fin d’une année pour un(e) professeur(e) est toujours source de grand stress : conseils de classe, choix d’orientation pour les élèves, remplissage de divers paperasses aussi variées qu’inutiles… Ceci, même si cela vous facilite le transit fait disparaître à peu près dans le même temps vos vestiges de « zénitude ».

Vous vous retrouvez à jongler entre ces différentes réunions, les cours à préparer et et et… votre enfant !

Car oui, au grand dam de la Sainte Education Nationale, nous ne lui avons pas offert corps et esprit : nous avons pu aimer autre entité. De ce fait, copuler et enfanter, puis comme nous sommes en 2017 et en région parisienne, on s’est séparé.

Mais bon, vous gérez, vous avez l’habitude même si vous faîtes des journées de 15 h.

Et là c’est le drame :

la nounou vous lâche

Votre monde s’écroule  : la nounou vous lâche un soir où vous terminez plus tard que d’habitude.

Bon pas grave, elle est choupi cette petite nounou en plus. On gère encore : on décale des heures, on bricole, on titille l’emploi du temps, puis on va demander la bénédiction au supérieur hiérarchique chéri.

Ah ah ah. La petite naïve…

Certes, c’est pénible, ça fait plusieurs fois, mais bon, j’ai pas le choix, je vais pas laisser le mouflet attaché à la barrière de la maternelle…

Discussion animée, besoin de prouver sa supériorité hiérarchique et faire les gros yeux, et là, LA question : Mais Madame, il va falloir choisir vos priorités ! Quelles sont-elles ? Réponse : ma priorité c’est mon fils.

Ah, le voilà interloqué le bougre, une femme lui tient tête. Jeune qui plus est, et comble, simple remplaçante.

La contre attaque arrive vite : « Mais pas au travail Madame ». J’encaisse, je suis la Rocky Balboa du bureau du principal.

Une foule de répliques m’arrive dans le désordre, et oui, dont quelques unes plutôt « fleuries ».

Mais je me calme, et je réponds « mon fils est ma priorité, en toutes circonstances ».

Voilà une journée de fichue en l’air, contrariété assurée gratos jusqu’au lendemain voir plus, coups de téléphone passés à tout-va pour trouver une solution. Bref, c’est le « boxon ».

Ironie du sort, je fais à la même période un cours à mes 3éme sur le féminisme et les revendications des femmes dans les années 70.

Nous avons regardé une vidéo (1) où s’exprime plusieurs femmes lors des manifestations MLF.

Et je me dis, punaise, on a gagné des éléments, mais on a perdu aussi.

La journée de 14-15h, ne me dites pas que ca ne vous ai jamais arrivé : vous bossez, mais avant, préparer l’enfant, l’emmener à l’école, travailler, revenir, chercher l’enfant, le laver, préparer le repas, l’histoire, le film vous zappez parce que vous avez des copies à corriger ou un cahier de texte à remplir.

Les responsabilités ? Vous croulez littéralement dessous, votre deuxième prénom c’est « Responsabilités ».

Et là on vient vous dire « choississez vos priorités ».

Je m’interroge, si si, vraiment.

C’est quoi le délire ? Les enfants de sexe mâle s’autoalimentent, changent leurs couches tout seul et vont à l’école avec leur micro GPS dès 3 ans ?

Messieurs qui exigez de nous des priorités, sachez que si vous êtes là, c’est parce que vous avez été à un moment donné de votre vie la priorité d’une femme.

D’une femme qui, il y a trente ans, quarante ou cinquante ans, a peut être mis une passion entre parenthèses voir complètement oublié sa vie professionnelle ou renoncé aux postes trop exigeants en temps. D’une femme qui vous a donné de son temps, de son énergie, ne vous a pas dit de choisir « vos priorités ». D’une femme qui a été compréhensive, patiente, qui vous a éduqué.

Cette femme n’a pas mis entre parenthèses sa vie pour vos beaux yeux, comme vous avez l’air de le croire, elle l’a fait parce que la société ne lui a pas donné le choix, parce que le rôle d’une femme était d’être à la maison à s’occuper de ses enfants sans que peu de personnes fassent grands cas de son bien-être.

Elle l’a fait parce que des hommes comme vous dirigeaient notre société, que cette vie domestique était imposée à ces femmes.

Cette simple question de votre part me dérange, car j’ai presque envie de vous demander : Voulez vous mon utérus Monsieur ? Voulez vous 3000 ans de domination masculine et d’organisation patriarcale ? Voulez vous Monsieur que nous inversions les rôles ?

Inégalité salariale, charge mentale, rejet à la fois de la femme qui ne veut pas d’enfant mais également rejet de celle qui n’ a pas enfanté. Illustration : 30 ans ? Tu as des enfants ? Non ? Mais pourquoi ?

La femme est aujourd’hui prisonnière de ses nouveaux acquis sans s’être totalement débarassée ou a minima, sans avoir délégué une partie de ce qui lui incombe depuis des centaines d’années si ce n’est plus.

Vous voulez Simone Veil au Panthéon ? Ok. Mais quid d’Olympe de Gouges ? Bah non, ne mettons pas une anti Robespierre au Panthéon, cela ferait désordre. Ne mettons que des femmes qui respectent le « code d’honneur » décidé par les hommes. Bon, c’est vrai que l’on ne sait pas non plus où où se trouve son corps, mais un cénotaphe demeurerait possible.

Où est Louise Michel ? Non. Louise Michel était anarchiste, pas de Panthéon.

Mais nous y mettrons Mme Veil, car, quoiqu’on en dise, et malgrè son grand courage et son action ô combien méritante et bénéfique, elle a suivi la loi des hommes.

Simone Veil dérange moins nos croulants costumes bleu marine car la loi Veil est synonyme d’une modernité acceptée. Les familles nombreuses ne sont plus le modèle de société en vigueur, l’avortement, même si l’on doit lutter quotidiennement contre les « zinzins roses », est passé dans « les mœurs », la pilule également. Je ne dis pas que tout est « gagné », qu’il n’y a plus de combat de ce côté là, je dis qu’aujourd’hui, cette loi est politiquement correcte, et que de ce fait, son auteur peut entrer au Panthéon.

Par contre, le libertinage d’Olympe de Gouges, sa passion pour la liberté, son refus de la loi du mâle alpha dominant : non non, surtout pas.

Remettre en cause Robespierre ? Oh my god… hérésie.

C’est bien que Simone Veil intégre le Panthéon, ne serait que pour rabattre le caquet à nos télétubbies fushia enragés. Mais ne vous y trompez pas, ce n’est pas un progrès.

Où j’en viens avec mon propos ? Je ne sais guère. Je pense que tant que les futures femmes seront éduquées à jouer avec des poupées et les futurs hommes à jouer avec des camions pompiers on avancera pas. Quoiqu’on fasse, les rôles sont déterminés par cette société on ne peut plus genrée. Et c’est dommage, car la véritable libération de la femme viendra, à mon avis, avec la fin des genres

Mais par contre, j’ai la chance d’avoir le choix. Merci Mme Veil. Merci Olympe et merci à toutes celles et ceux qui m’ont laissé avoir le choix.

 

 

Anna Marce.

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  1. http://www.ina.fr/video/CAF89031668